Témoignage de Laura, la maman de Mahé Je ne pensais pas forcément aller immédiatement consulter lorsqu’à deux mois et demi, Mahé a eu un pic de fièvre. Le temps que mon mari rentre à la maison pour s’occuper de Noâm et Lyas, les deux aînés, la température était déjà redescendue. Je n’étais pas inquiète, mais je me suis tout de même rendue aux urgences, pour être sûre que tout allait bien. Il était 19h lorsque nous sommes arrivés à l’hôpital, le sang et les urines ont alors été contrôlés. Lorsque j’ai vu le médecin débarquer, j’ai su que quelque chose clochait. À 22h, nous étions dans l’ambulance, transférés d’urgence à Berne. Mon mari nous suivait en voiture. J’étais seule avec Mahé et ce trajet a été un calvaire: je ne savais absolument pas ce qu’il avait, je sentais juste que c’était très grave. Je n’osais plus le regarder, car je pensais vraiment qu’il allait mourir. Arrivés à Berne, d’autres tests ont été effectués et le diagnostic est tombé deux jours plus tard. Mahé souffrait d’une Lymphohistiocytose hémophagocytaire familiale, une maladie génétique rare touchant une naissance sur 50’000. Son système immunitaire était déficient: il s’emballe lors d’une infection banale et ne se calme pas, attaquant des cellules qui ne devraient pas l’être. Le foie et la rate étaient atteints, mais par chance le cerveau était intact. On nous a alors transférés à Zurich pour les traitements, un hôpital où exerce une spécialiste de la maladie. Mahé a bien répondu à la thérapie, nous avons pu retourner à la maison un mois plus tard. Mais une fièvre a réactivé la maladie et mon fils a dû à nouveau être hospitalisé deux semaines après. Il a alors commencé une chimiothérapie. En parallèles, les démarches ont débuté pour lui trouver un donneur de cellules souches, car la transplantation est le seul moyen de guérir. Il est important que le donneur corresponde le mieux possible aux cellules du receveur: 5 personnes ont été recensées à travers le monde, dont un Allemand qui présentait les mêmes caractéristiques génétiques. Malheureusement, quelques jours avant la greffe, ce dernier n’a pas passé les ultimes tests médicaux. Le corps de Mahé était en condition optimale pour la greffe, le temps pressait: les cellules souches d’une Américaine ont alors été utilisées. Mahé a très bien géré la transfusion: on nous a annoncé que nous pourrions rentrer chez nous mi-septembre. Mais quelques jours avant le départ, tout est parti en cacahuète. Mahé vomissait, souffrait constamment. Son tube digestif, son foie et sa peau dépérissaient. Alors qu’il ne présentait aucun signe, son état de santé s’est dégradé extrêmement rapidement. Cela était dû à une grave complication redoutée appelée «greffe contre hôte»: les nouvelles cellules se battaient contre le corps de Mahé. C’était horrible: chaque jour, je me demandais s’il allait mourir. Et cela a duré un mois. Je ne reconnaissais plus mon bébé, si souriant habituellement. Le voir se forcer pour esquisser un geste aussi naturel était très impressionnant. Si j’ai survécu à cette épreuve, c’est grâce à mon mari. Nous avons vraiment formé une équipe très soudée durant ces longs jours placés sous le signe de l’attente. J’ai tout de suite compris que la situation était très critique, alors qu’il était dans le déni, il me rassurait constamment, scrutant les moindres signes d’amélioration. Il a subi un contrecoup par la suite, et c’est alors moi qui ai pu prendre le relais et le soutenir. Cette épreuve a totalement bousculé notre organisation familiale. Désormais, je passe la semaine à Zurich, dans un studio, tandis que les frères de Mahé sont chez leurs grands-parents. Mon mari fait la navette entre les deux, jonglant en même temps avec un nouveau travail. On imaginait que cette situation serait temporaire, mais les semaines et les mois passent. Noâm et Lyas ne ressentent pas de jalousie envers leur petit frère, mais les au revoirs sont chaque dimanche plus difficiles. Ils s’accrochent à moi, c’est très dur à vivre. Je souffre de la douleur d’être ici et de celle de la séparation. Durant la semaine, je me sens seule. La barrière de la langue n’aide pas à créer des contacts. Et moi qui suis de nature très sociable, j’ai de la peine à échanger. D’ailleurs, j’ai hâte que mes proches me parlent à nouveau. Ce n’est pas facile, car je me sens exclue, les gens ne me confient plus rien, car ils comparent leurs malheurs aux miens et se disent que je vis bien pire. Mais j’ai besoin de ces petits tracas, j’ai hâte qu’on m’en raconte à nouveau! Je suis fatiguée d’être seule face à moi-même, isolée à Zurich. Mais j’évite de broyer du noir et je profite de chaque instant auprès de mon bébé, qui a retrouvé son sourire et ne le quitte plus. Son état de santé ne cesse de s’améliorer. Je me réjouis énormément de retrouver notre cocon familial, mais j’appréhende aussi le retour. Ici, on s’occupe de tout, j’ai peur de m’épuiser à la maison. Car les règles d’hygiène sont très strictes pour un bébé ayant été greffé. Alimentation, lessives, jouets, transports: tout doit être constamment nettoyé, désinfecté, évité. Pour une jeune famille comme la nôtre, les finances sont parfois un défi. Avec tous ces événements, déplacements, imprévus, congés (dont plus d’un mois en non payé), le budget familial a été bien chamboulé. De plus, une fille au pair est devenue indispensable pour nous épauler. Mais j’ai été bluffée par les élans de solidarité qui se sont spontanément organisés autour de nous. J’ai croisé bien des familles qui n’ont pas eu cette chance… Même le pharmacien des grands-parents et certains amis ont mis en place des collectes pour nous aider! Des organismes tels que l’ARFEC (Association romande des familles d’enfants atteints d’un cancer) nous ont aussi soutenus. Et surtout, nos proches qui nous entourent chaque jour ont grandement facilité notre quotidien. Sans eux, cela n’aurait jamais été possible. Mon souhait? Médiatiser l’importance du don de cellules souches et de plaquettes. Pour être répertorié