Naïa, notre ange

Témoignage de la maman de Naïa

Il y a un peu plus d'un an, je tombe enceinte. Mon premier enfant. Mon conjoint a déjà des enfants de son côté. La grossesse se passe merveilleusement bien. Aucun symptôme, pas de nausées, rien, je suis en forme jusqu'à la fin et notre bébé grandit bien et est en bonne santé.

Juste le dernier mois, en janvier, je suis finalement déclenchée à cause du cholestase, donc à 37sa. Je suis hospitalisée et mon conjoint n'a pas le temps d'arriver que notre fille est déjà née. Naïa. Une belle petite princesse qui fait la joie de tout le monde. Nous restons trois jours à la maternité mais puisque tout va bien, pas de raison de nous garder.

Nous rentrons à la maison sur notre petit nuage, loin de nous douter que l'orage nous guette. Nous vivons cinq semaines de contes de fées. Le congé paternité est passé à un mois alors on est un peu dans notre bulle, on profite de notre fille, elle est hyper éveillée, c'est un bébé qui est facile. Elle ne pleure jamais mais sait se faire comprendre avec sa petite voix. Notre monde tourne autour d'elle.

Arrive le rendez-vous des un mois, un lundi. A nouveau, tout va bien, elle grandit bien. On la change juste de lait car elle ne supporte pas celui qu'elle a. Un peu constipée les jours qui suivent mais tout reprend normalement.

Jusqu'au dimanche. Naïa a fait une nuit blanche, ce qui n'est pas son genre. Mais elle n'a pas de température donc nous ne nous alarmons pas. On sait qu'il y a des pics de croissance et on ne va pas encombrer les urgences, juste parce notre fille est un peu grognon. L’après-midi, elle boude un peu ses biberons.

Le soir, je prends à nouveau sa température (Comme on m'avait appris à la maternité, je contrôlais sa température plusieurs fois par jour), elle est en hypothermie alors qu'elle est bien couverte et qu'il fait bon chez nous. Sans attendre, nous allons donc aux urgences.

Il n'y a que moi qui ai le droit de rentrer. J'explique qu'elle boude ses biberons, qu'elle râle et qu'elle est en hypothermie. Dans un premier temps, ils soupçonnent une gastro, il y a plein de cas en ce moment.

J'envoie un message à mon conjoint, qui nous attend sur le parking, pour lui dire que je l'appelle quand nous sortons. Je ne suis pas inquiète, ils vont la soigner. Ils lui font une échographie car son ventre est gonflé. Ils constatent une anomalie au niveau de son foie et la font monter en réanimation sans rien m'expliquer. J'attends pendant des heures dans une salle d'attente déserte vu qu'il est tard. Mon conjoint est rentré, je le tiens au courant par sms.

Les heures défilent et finalement, tôt le matin, je suis enfin autorisée à rejoindre ma fille. Elle est branchée de partout, sous respirateur, endormie pour la soulager. Pour la première fois, le monde s'effondre sous mes pieds, pourtant à cet instant, je ne comprends pas la gravité. On ne m'a rien expliqué.

Un médecin vient me voir, il m'explique que ce que j'ai raconté ne corrobore pas avec son état. Je ne comprends pas, j'ai dit tout ce que je savais. A cet instant, je me remets en question. C’est mon premier enfant, peut-être que j’ai fait quelque chose de mal, que je m’en suis mal occupée. Il poursuit en me disant qu’elle a un problème, que son foie est en train de lâcher. Qu’ils lui donnent un traitement mais qu’elle n’y réagit pas, mais qu’ils cherchent une solution.

Je ne comprends pas encore la gravité de la situation alors je reste optimiste. Ils vont forcément trouver une solution. Ça ne peut pas nous arriver à nous.

6h00 : mon conjoint a finalement l’autorisation de nous rejoindre. Il travaille également dans le médical et devine aux regards fuyants la gravité de la situation mais ne me dit rien à cet instant, espérant intérieurement se tromper. La situation se dégrade. Ses autres organes commencent à faiblir. Ils nous disent qu’elle va être transférée à Angers.

Nous décidons d’aller nous reposer un peu avant de la rejoindre, de toute façon, ils nous ont dit de pas suivre l’ambulance, qu’elle irait trop vite pour nous, et j’ai fait une nuit blanche à pleurer, j’ai besoin de ce repos.

Vers 10h00, je reçois un appel d’un médecin d’Angers. Elle nous demande si nous venons aujourd’hui et vers quelle heure. Elle me demande également si c’est mon premier enfant. Il y a cette petite voix dans ma tête qui ne présage rien de bon, mais je n’ai pas envie de l’écouter. Non. Naïa va rentrer avec nous et dans quelques années, on en rira. Il ne peut en être autrement.

A 13h00, nous arrivons à Angers sous la pluie. Nous retrouvons notre fille, toujours branchée et toujours endormie. Ils ne savent pas ce qu’elle a mais une certitude : ce n’est pas une gastro. Ils nous expliquent être en relation avec l’hôpital Necker. Ils lui font des transfusions car elle ne s’arrête plus de saigner lors des prélèvements et sont également obligés d’aspirer son sang.

Je ne sais plus à quelle heure, un médecin vient à notre rencontre. Nous allons dans le salon des familles, celui où il y a ce paquet de mouchoir posé subtilement sur la table.

Elle nous demande ce que nous avons compris de l’état de Naïa. On lui explique avec nos mots. Le coup final arrive. Ses organes lâchent un à un, ils ne savent pas pourquoi. Ses poumons ne marchent pas correctement, son cœur a du mal à faire son travail. On nous fait comprendre à demi-mots qu’il n’y a rien à faire, qu’elle sera partie avant demain.

C’est très dur à encaisser. Il y a encore deux jours, nous prévoyions noël, les vacances d’été… Nous prévenons enfin nos familles. Nous les avions jusque-là, laissé à l’écart pour ne pas les inquiéter mais la finalité n’a aucune autre issue. Nous sommes obligés de leur annoncer au téléphone. Personne n’y croit, tous, continuent d’espérer un miracle à distance.

L’après-midi est un cauchemar, les allées-venues dans la chambre, les machines qui s’emballent, nous provoquant un peu plus à chaque fois. Nous ne quittons pas la chambre de l’après-midi. En fin de journée, ils l’installent sur moi. Elle est arrivée dans ce monde dans mes bras, elle le quittera dans mes bras, entourée de son papa. En vrai, elle n’est déjà plus là, elle est pâle, endormie, loin du bébé plein de vie que nous connaissons.

Le temps défile lentement. Les secondes sont des minutes, les minutes, des heures. Nous n’avons rien avalé de la journée, alors en début de soirée, nous descendons juste au distributeur, nous aérer et manger un peu.

L’ascenseur a à peine le temps d’arriver au rez-de-chaussée que mon téléphone sonne, je reconnais le numéro de la néonatologie. Ils me disent de remonter en urgence, qu’elle part. Je ne peux m’empêcher de penser qu’elle est restée forte devant nous, pour nous. Ils la réinstallent rapidement dans mes bras. Les minutes défilent et les battements de son cœur ralentissent et finalement, à 20h40, elle nous quitte.

La dernière image que j’ai d’elle est son visage apaisé après une longue lutte. Notre guerrière a été vaincue mais s’est bien battue.

Évidemment, suite à ça, nous autorisons tous les examens possibles, nous avons besoin de réponse, de savoir pourquoi notre petite fille de cinq semaines n’est plus.

Le retour à la maison est terrible. Ses frères et sœurs sont chez leur mère, alors nous ne sommes que tous les deux. Le silence nous entoure, les biberons de la veille traînent encore sur la table, ses petites affaires sont partout, nous rappelant chaque seconde passée avec elle.

Nous sommes dévastés, partagés entre colère et tristesse. Pourquoi nous ? Pourquoi elle ?

Les semaines qui suivent, je cherche bêtement une réponse sur internet, comme si Google pouvait remplacer des années de recherches... Finalement, en mai, nous avons rendez-vous à Angers avec l’équipe médicale qui s’est occupée de Naïa. Ils ont de forts soupçons sur un diagnostic : la lymphohistiocytose héréditaire. Ils nous expliquent que l’un d’entre nous est probablement porteur d’un gène qu’il a transmis à Naïa. Ses anticorps n’ont fait que de se multiplier suite à une infection bénigne et ont attaqué ses organes. Ils nous demandent juste un prélèvement sur nous afin de valider ce diagnostic. Nous sommes évidemment d’accord. Ils nous expliquent qu’il y a également une chance sur quatre de récidive. C’est terrifiant cette roulette russe.

Quelques semaines plus tard, ce diagnostic est confirmé et s’additionne au syndrome de Joubert. Nous sommes tous les deux porteurs de ces deux gênes. Nous nous estimons heureux d’avoir des réponses à nos questions puisque nous savons que certains parents n’ont pas cette chance, mais ce n’est pas pour autant plus facile à accepter. Il n’y avait que 25 % de chances que Naïa ait ces maladies... Je ne sais même pas pourquoi on parle de chance dans ces moments-là…

Aujourd’hui, ça fait 7 mois que notre fille s’est envolée. Les souvenirs nous serrent encore le coeur mais on ne guérit jamais totalement d’une épreuve comme celle-là. Mon conjoint et moi, arrivons à rester forts et surtout soudés. Notre fille a renforcé l’amour que nous avions l’un envers l’autre et nous voulons qu’elle soit fière de nous de là où elle est.

Son regard, sa voix, ses expressions nous ont tous marqués à jamais et elle a bouleversé nos vies. Même si elle n’est plus là, nous continuons à vivre en s’inspirant de la force qu’elle a eu face à cette maladie et la joie de vivre qu’elle dégageait.